Le design thinking s'est imposé comme une approche incontournable pour l'innovation centrée sur l'humain. Cette méthodologie transforme la façon dont les organisations conçoivent leurs produits et services en plaçant l'utilisateur au cœur du processus créatif. Contrairement aux méthodes traditionnelles qui partent souvent de contraintes techniques ou commerciales, le design thinking commence par comprendre profondément les besoins des utilisateurs pour ensuite développer des solutions adaptées. Cette démarche créative et collaborative permet de résoudre des problèmes complexes en adoptant la sensibilité et les méthodes des designers, tout en intégrant les contraintes business et technologiques.
En adoptant une approche itérative structurée en cinq phases distinctes, le design thinking offre un cadre permettant de passer de l'identification d'un problème à la création d'une solution innovante testée auprès des utilisateurs finaux. Son succès repose sur sa capacité à générer des innovations pertinentes et désirables, tout en réduisant les risques d'échec liés au lancement de nouveaux produits ou services. De nombreuses grandes entreprises comme Apple, Airbnb ou Google ont intégré cette méthode dans leur stratégie d'innovation, démontrant ainsi sa valeur et son efficacité dans des contextes variés.
Origines et fondements du design thinking selon tim brown et IDEO
Le design thinking trouve ses racines dans les années 1960 à l'Université de Stanford en Californie, mais c'est réellement dans les années 1990 que cette approche a été formalisée et popularisée par l'agence de design IDEO, basée à Palo Alto. Tim Brown, PDG d'IDEO, a joué un rôle prépondérant dans la définition et la diffusion de cette méthodologie. Selon lui, le design thinking est "une approche de l'innovation centrée sur l'humain qui puise dans la boîte à outils du designer pour intégrer les besoins des personnes, les possibilités de la technologie et les exigences de la réussite commerciale".
Cette définition met en lumière les trois piliers fondamentaux du design thinking : la désirabilité (ce que les utilisateurs veulent), la faisabilité (ce qui est techniquement possible) et la viabilité (ce qui est économiquement viable). C'est à l'intersection de ces trois dimensions que naissent les innovations les plus pertinentes. L'approche se distingue par sa nature profondément empathique, itérative et collaborative, permettant d'aborder des problématiques complexes sous différents angles.
Le design thinking n'est pas seulement une méthodologie, c'est un état d'esprit qui valorise la curiosité, l'empathie et l'expérimentation rapide pour créer des solutions qui répondent véritablement aux besoins des utilisateurs.
La philosophie du design thinking repose sur plusieurs principes clés. Tout d'abord, l'empathie comme point de départ de toute démarche d'innovation, en cherchant à comprendre profondément les utilisateurs dans leur contexte. Ensuite, l'approche collaborative qui valorise la diversité des perspectives au sein d'équipes pluridisciplinaires. Le droit à l'erreur et l'apprentissage par l'expérimentation constituent également des valeurs essentielles, encourageant la création rapide de prototypes pour tester les idées avant d'investir massivement dans leur développement.
IDEO a développé cette approche à travers de nombreux projets d'innovation pour des clients variés, démontrant la polyvalence du design thinking dans différents secteurs. L'influence de cette méthodologie s'est progressivement étendue au-delà du design traditionnel pour s'appliquer à la refonte de services, à l'amélioration de l'expérience client, à la création de nouveaux modèles d'affaires et même à la résolution de problèmes sociétaux complexes.
Les 5 phases essentielles du processus de design thinking
Le processus de design thinking se décompose traditionnellement en cinq phases distinctes mais interconnectées : l'empathie, la définition du problème, l'idéation, le prototypage et les tests. Ces étapes forment un cadre structurant qui guide les équipes à travers un processus créatif rigoureux, tout en restant suffisamment flexible pour permettre des allers-retours entre les différentes phases. Cette approche itérative est fondamentale pour affiner progressivement les solutions et s'assurer qu'elles répondent véritablement aux besoins des utilisateurs.
Chaque phase mobilise des compétences et des techniques spécifiques, allant de l'observation ethnographique à la création rapide de prototypes. La force du design thinking réside dans cette combinaison méthodique d'outils analytiques et créatifs, permettant de passer de l'identification d'un problème mal défini à une solution concrète et testée. L'alternance entre phases divergentes (expansion du champ des possibles) et convergentes (sélection et focalisation) constitue le moteur de ce processus d'innovation.
L'empathie: techniques d'immersion ethnographique et personas
La phase d'empathie constitue le fondement du processus de design thinking. Elle vise à développer une compréhension profonde des utilisateurs, de leurs comportements, de leurs besoins explicites et implicites, ainsi que de leurs contraintes. Cette étape requiert de se détacher de ses propres préjugés pour observer et écouter les utilisateurs avec une curiosité sincère. L'immersion ethnographique, inspirée des méthodes anthropologiques, permet de recueillir des insights précieux en observant les utilisateurs dans leur contexte naturel.
Les techniques couramment utilisées lors de cette phase incluent les entretiens qualitatifs, l'observation participante, les journaux de bord utilisateurs et les parcours d'expérience ( customer journey maps ). Ces outils permettent de collecter des données riches et contextuelles, révélant souvent des besoins que les utilisateurs eux-mêmes n'auraient pas su exprimer lors d'un simple questionnaire. La documentation photographique et vidéo joue également un rôle important pour capturer les subtilités des comportements observés.
La création de personas constitue une étape clé pour synthétiser les données recueillies. Un persona est une représentation fictive mais réaliste d'un segment d'utilisateurs, intégrant des caractéristiques démographiques, comportementales et psychographiques. Ces archétypes permettent de conserver une vision centrée sur l'humain tout au long du processus de conception, en rendant les utilisateurs plus tangibles pour l'équipe de design. Un bon persona inclut généralement:
- Des informations démographiques (âge, profession, situation familiale)
- Des objectifs et motivations personnels et professionnels
- Des frustrations et points de douleur quotidiens
- Des habitudes de consommation et préférences technologiques
L'empathie développée durant cette phase initiale guide l'ensemble du processus d'innovation, en assurant que les solutions créées répondent à de véritables besoins humains plutôt qu'à des suppositions non vérifiées. Plus la compréhension des utilisateurs est fine et nuancée, plus les phases suivantes du processus seront efficaces et pertinentes.
La définition du problème avec le framework how might we
La phase de définition marque une transition cruciale où l'équipe analyse et synthétise les informations recueillies durant la phase d'empathie pour formuler une problématique claire et actionnable. Cette étape de convergence transforme des observations disparates en un point of view (POV) qui oriente la suite du processus. Une définition efficace du problème doit être suffisamment précise pour fournir une direction, tout en restant assez ouverte pour permettre des solutions créatives.
Le framework "How Might We" (Comment pourrions-nous) est particulièrement adapté pour formuler cette problématique. Cette technique simple mais puissante consiste à transformer les besoins et frustrations identifiés en questions ouvertes commençant par "Comment pourrions-nous...". Par exemple, plutôt que de constater "Les utilisateurs ont du mal à naviguer dans notre application", on reformulera en "Comment pourrions-nous simplifier la navigation dans notre application pour les utilisateurs débutants ?". Cette formulation invite à l'action et stimule la créativité sans présupposer de solution.
La qualité de la définition du problème influence directement la pertinence des solutions qui émergeront lors des phases suivantes. Une problématique trop large ("Comment pourrions-nous améliorer notre service client ?") conduira à des idées dispersées, tandis qu'une formulation trop restrictive ("Comment pourrions-nous réduire de 10% le temps d'attente téléphonique ?") limitera le potentiel d'innovation. L'art de cette phase consiste à trouver le juste équilibre entre cadrage et ouverture.
Pour structurer efficacement cette étape, plusieurs techniques complémentaires peuvent être mobilisées : les diagrammes d'affinité pour regrouper et hiérarchiser les observations, la cartographie des problèmes pour visualiser leurs interconnexions, ou encore la matrice d'importance/urgence pour prioriser les défis à relever. L'objectif final est d'aboutir à une compréhension partagée du problème qui guidera les efforts créatifs de l'équipe.
L'idéation: brainstorming, mind mapping et méthode des six chapeaux
La phase d'idéation représente le moment où l'équipe génère un large éventail de solutions potentielles en réponse à la problématique définie. Cette étape divergente valorise la quantité d'idées avant leur qualité, suivant le principe qu'une plus grande diversité de propositions augmente les chances de découvrir des concepts véritablement innovants. L'idéation efficace repose sur un environnement bienveillant où toutes les idées sont accueillies sans jugement prématuré.
Le brainstorming traditionnel reste une technique fondamentale d'idéation, mais son efficacité dépend de règles clairement établies : différer le jugement, encourager les idées inhabituelles, rebondir sur les propositions des autres, et privilégier la quantité. Des variantes comme le brain writing (idéation écrite) peuvent parfois s'avérer plus inclusives en permettant à chacun de contribuer équitablement, indépendamment de sa personnalité ou de son statut dans l'équipe.
Le mind mapping (ou carte mentale) constitue une approche complémentaire permettant d'explorer visuellement les ramifications d'un concept central. Cette technique stimule la pensée associative et aide à identifier des connexions inattendues entre différentes idées. Pour une session efficace, on place la problématique au centre de la carte et on développe progressivement des branches représentant différentes catégories de solutions, elles-mêmes subdivisées en idées plus spécifiques.
La méthode des six chapeaux de Bono offre un cadre structuré pour explorer un problème sous différents angles. Chaque "chapeau" représente une perspective distincte:
- Chapeau blanc: focus sur les faits et informations disponibles
- Chapeau rouge: expression des émotions et intuitions
- Chapeau noir: analyse critique et identification des risques
- Chapeau jaune: optimisme et recherche d'avantages
- Chapeau vert: créativité et nouvelles idées
- Chapeau bleu: organisation du processus de réflexion
À l'issue de cette phase foisonnante, l'équipe doit converger vers les concepts les plus prometteurs. Des techniques comme le vote par points ( dot voting ) ou la matrice de décision permettent d'évaluer collectivement les idées selon des critères prédéfinis comme la désirabilité pour l'utilisateur, la faisabilité technique ou l'alignement avec la stratégie de l'organisation. Les concepts sélectionnés seront ensuite développés lors de la phase de prototypage.
Le prototypage rapide: maquettes, wireframes et MVP
La phase de prototypage transforme les idées abstraites en représentations tangibles et testables, permettant de visualiser et d'expérimenter les solutions envisagées. L'objectif n'est pas de créer un produit finalisé, mais plutôt de matérialiser rapidement les concepts pour les évaluer et les affiner. Cette approche du fail fast, learn fast (échouer rapidement pour apprendre rapidement) permet d'identifier précocement les forces et faiblesses d'une solution avant d'investir dans son développement complet.
Le niveau de fidélité du prototype varie selon les besoins et le stade du projet. Les prototypes basse fidélité (croquis, storyboards, maquettes papier) sont privilégiés en début de processus pour leur rapidité d'exécution et leur capacité à susciter des retours sans que les utilisateurs ne se focalisent sur des détails esthétiques. À mesure que la solution se précise, des prototypes plus élaborés comme les wireframes digitaux ou les maquettes interactives permettent de tester des aspects plus spécifiques de l'expérience utilisateur.
Pour les interfaces digitales, des outils comme Figma
, Sketch
ou Adobe XD
facilitent la création de wireframes et de maquettes interactives. Ces représentations visuelles de l'architecture de l'information et des interactions permettent de tester la logique de navigation et l'organisation des contenus avant même de travailler sur l'aspect graphique final. La technique du Wizard of Oz (où un humain simule les réponses d'un système automatisé) peut également s'avérer précieuse pour tester des interactions complexes sans développement technique.
Le concept de MVP (Minimum Viable Product) constitue l'aboutissement du prototypage, représentant la version minimale mais fonctionnelle d'un produit qui peut être lancée auprès d'utilisateurs réels. Cette approche, popularisée par la méthodologie Lean Startup, permet de valider rapidement les hypothèses fondamentales d'un projet. Un MVP efficace se concentre sur les fonctionnalités essentielles répondant au cœur de la problématique identifiée, tout en offrant une expérience suffisamment aboutie pour générer des retours utilisateurs significatifs.
Les tests utilisateurs: A/B testing, eye-tracking et entretiens semi-directifs
La phase de test représente l'étape cruciale où les prototypes sont confrontés aux utilisateurs réels pour recueillir des retours concrets et objectifs. Cette validation empirique permet d'évaluer si la solution répond effectivement aux besoins identifiés et d'identifier les ajustements nécessaires. Le test n'est pas une validation finale mais un processus itératif qui alimente les phases précédentes, suivant la
philosophie du design thinking. Au lieu de concevoir un produit finalisé pour ensuite le lancer sur le marché, cette approche favorise des cycles courts de prototypage et de test pour ajuster continuellement la solution aux besoins réels des utilisateurs.
L'A/B testing représente une méthode efficace pour comparer objectivement deux versions d'une solution. Cette technique consiste à présenter aléatoirement les variantes A et B à différents utilisateurs, puis à mesurer quantitativement leurs performances respectives selon des métriques prédéfinies (taux de conversion, temps passé, taux d'abandon, etc.). Particulièrement adaptée aux interfaces digitales, cette méthode permet d'optimiser progressivement l'expérience utilisateur en s'appuyant sur des données concrètes plutôt que sur des opinions subjectives.
Les technologies d'eye-tracking (suivi du regard) offrent des insights précieux sur l'attention visuelle des utilisateurs. En enregistrant précisément les mouvements oculaires lors de l'interaction avec un prototype, cette technique révèle les éléments qui attirent l'attention, ceux qui sont ignorés, et l'ordre dans lequel l'information est consultée. Ces données objectives complètent utilement les retours verbaux des utilisateurs, qui ne sont pas toujours conscients de leur comportement visuel. L'eye-tracking s'avère particulièrement pertinent pour optimiser des interfaces visuelles complexes ou des supports de communication.
Les entretiens semi-directifs constituent une approche qualitative essentielle pour comprendre l'expérience subjective des utilisateurs. À mi-chemin entre la conversation libre et le questionnaire structuré, cette méthode s'appuie sur un guide d'entretien préparé à l'avance tout en laissant place à l'exploration de thèmes émergents. L'interviewer encourage l'utilisateur à verbaliser son expérience (technique du "think aloud"), à exprimer ses satisfactions et frustrations, et à suggérer des améliorations. La richesse de ces échanges permet souvent d'identifier des problèmes subtils que des méthodes quantitatives n'auraient pas détectés.
L'analyse et la synthèse des résultats de tests constituent l'étape finale mais cruciale de cette phase. Les données recueillies doivent être organisées de manière à faire émerger des patterns et priorités claires pour guider l'itération suivante. Des outils comme les matrices d'impact/effort aident à prioriser les modifications à apporter, tandis que les réunions de debriefing permettent à l'équipe de partager une compréhension commune des enseignements tirés et de planifier les ajustements nécessaires.
Design thinking vs UX design: différences méthodologiques et complémentarités
Le design thinking et l'UX design sont souvent mentionnés ensemble, parfois même confondus, car ils partagent une philosophie centrée sur l'utilisateur. Pourtant, ces deux approches présentent des différences significatives tant dans leur portée que dans leur méthodologie. Comprendre ces nuances permet de mieux exploiter leur complémentarité dans les projets d'innovation.
Le design thinking se positionne comme une méthodologie globale de résolution de problèmes applicable à une grande variété de défis, qu'ils soient digitaux ou non. Sa force réside dans sa capacité à redéfinir les problématiques et à générer des solutions innovantes en s'appuyant sur l'empathie et la créativité collective. L'UX design, quant à lui, se concentre plus spécifiquement sur l'optimisation de l'expérience utilisateur dans le cadre d'interactions avec un produit ou service, avec un focus particulier sur les interfaces digitales.
En termes de temporalité et de périmètre, le design thinking intervient généralement en amont, pour identifier des opportunités d'innovation et concevoir des solutions répondant à des besoins utilisateurs. L'UX design prend ensuite le relais pour affiner ces solutions, en définissant précisément les interactions, les parcours utilisateurs et les interfaces qui concrétiseront la proposition de valeur. Le design thinking peut être vu comme une approche exploratoire qui définit "quoi" créer, tandis que l'UX design détermine plus précisément "comment" l'utilisateur interagira avec cette création.
Ces deux approches s'articulent autour de méthodologies qui, bien que distinctes, présentent des similitudes et des points de connexion. Le design thinking suit généralement un processus en cinq phases (empathie, définition, idéation, prototype, test), tandis que l'UX design s'appuie sur des méthodologies comme le design centré utilisateur (DCU) qui comprend des étapes d'analyse, de conception, de prototypage et d'évaluation. Les compétences mobilisées diffèrent également : le design thinking valorise la pluridisciplinarité et l'intelligence collective, alors que l'UX design requiert des expertises plus spécifiques en architecture de l'information, design d'interaction et psychologie cognitive.
Le design thinking et l'UX design forment un continuum plutôt qu'une dichotomie. Le premier nous aide à explorer le problème et à imaginer des solutions innovantes, le second nous permet de concrétiser ces solutions en expériences utilisateurs cohérentes et satisfaisantes.
Mise en œuvre du design thinking dans les organisations
L'intégration du design thinking au sein d'une organisation représente bien plus qu'un simple changement méthodologique : elle implique une transformation culturelle profonde. Cette approche remet en question les hiérarchies traditionnelles et les processus linéaires au profit d'une culture collaborative, expérimentale et centrée sur l'utilisateur. Pour réussir cette transformation, les organisations doivent adapter les espaces physiques pour favoriser la collaboration, former leurs équipes aux compétences et à l'état d'esprit du design thinking, et repenser leurs métriques de performance pour valoriser l'apprentissage itératif.
Les principaux défis rencontrés lors de cette mise en œuvre incluent la résistance au changement, les contraintes de temps et de budget, et la difficulté à maintenir l'approche centrée utilisateur face aux pressions du quotidien. Pour surmonter ces obstacles, plusieurs méthodologies structurées ont été développées par des organisations pionnières, offrant des cadres pratiques et adaptables pour déployer le design thinking de manière efficace et durable.
La méthode sprint de google ventures expliquée en 5 jours
Le Design Sprint, développé par Jake Knapp chez Google Ventures, représente une adaptation condensée et hautement structurée du processus de design thinking. Cette méthodologie propose de résoudre des problèmes complexes et de tester des idées en seulement cinq jours ouvrés, offrant ainsi un format compatible avec les contraintes organisationnelles modernes. Sa structure clairement définie jour par jour en fait un outil particulièrement accessible pour les organisations souhaitant s'initier au design thinking.
Le premier jour, lundi, est consacré à la cartographie du problème. L'équipe définit collectivement l'objectif à long terme, dresse une carte des enjeux et identifie les points de blocage. Cette phase permet d'aligner tous les participants sur une compréhension commune du défi à relever. Le mardi est dédié à l'idéation : après avoir analysé des solutions existantes pour s'en inspirer, chaque participant esquisse individuellement ses propres solutions, favorisant ainsi la diversité des approches sans biais de groupe.
Le mercredi marque une étape cruciale de convergence : l'équipe examine toutes les esquisses produites, débat de leurs mérites respectifs et sélectionne les idées les plus prometteuses. Ces concepts sont ensuite assemblés dans un storyboard détaillant le parcours utilisateur envisagé. Le jeudi est consacré à la transformation du storyboard en prototype réaliste mais rapide à produire. L'objectif n'est pas la perfection technique mais la création d'une façade convaincante pour tester les aspects clés de la solution.
Le vendredi clôture la semaine avec les tests utilisateurs : le prototype est présenté à cinq utilisateurs cibles lors d'entretiens individuels observés par l'équipe. Cette confrontation au réel permet de valider ou d'invalider rapidement les hypothèses fondamentales du projet et d'identifier les ajustements nécessaires. À l'issue de ces cinq jours intensifs, l'organisation dispose non seulement d'un prototype testé mais aussi d'une direction claire pour la suite du développement.
L'approche IBM design thinking et son loop model
IBM a développé sa propre adaptation du design thinking pour répondre aux défis spécifiques des grandes organisations. Reconnaissant que le modèle traditionnel du design thinking peut s'avérer difficile à déployer à l'échelle de projets complexes impliquant de multiples équipes, IBM a créé un framework plus flexible et adapté à l'entreprise. Au cœur de cette approche se trouve le concept de "Loop" (boucle), symbolisant la nature continue et itérative du processus d'innovation.
Le Loop Model d'IBM s'articule autour de trois phases principales : Observer (observer), Reflect (réfléchir) et Make (créer). Contrairement au processus linéaire traditionnel, ces phases forment une boucle continue qui peut être parcourue à différentes échelles et vitesses selon les besoins du projet. Cette flexibilité permet d'intégrer le design thinking aussi bien dans des initiatives stratégiques de longue haleine que dans des améliorations tactiques rapides.
IBM a également introduit trois pratiques fondamentales pour accélérer le processus d'innovation : les Hills, les Playbacks et les Sponsor Users. Les "Hills" sont des déclarations d'intention centrées utilisateur qui définissent clairement ce que l'équipe cherche à accomplir, servant ainsi de boussole tout au long du projet. Les "Playbacks" sont des sessions de partage régulières où les équipes présentent leur travail pour obtenir des feedbacks, favorisant l'alignement et la collaboration interdisciplinaire. Enfin, les "Sponsor Users" sont des utilisateurs réels qui participent activement au processus de conception, assurant que les solutions développées répondent à de véritables besoins.
Pour faciliter l'adoption à grande échelle, IBM a également créé un réseau de "Design Thinking Leaders" chargés de former et d'accompagner les équipes dans l'application de cette méthodologie. Cette approche de diffusion par des ambassadeurs internes s'est révélée particulièrement efficace pour transformer progressivement la culture d'une organisation de plus de 350 000 employés.
Les workshops collaboratifs selon la méthode AJ&Smart
L'agence berlinoise AJ&Smart s'est fait connaître par son approche pragmatique des ateliers de design thinking, optimisée pour maximiser l'efficacité et les résultats concrets. S'inspirant du Design Sprint de Google Ventures tout en y apportant des améliorations issues de leur expérience terrain, leur méthodologie se distingue par sa structure claire, son rythme soutenu et son focus sur des livrables actionnables. Cette approche "workshop-first" répond au besoin des organisations de générer rapidement des résultats tangibles tout en initiant une transformation culturelle plus profonde.
La préparation minutieuse constitue la clé des workshops réussis selon AJ&Smart. Chaque atelier débute par une phase préparatoire où sont définis précisément les objectifs, le profil des participants, le matériel nécessaire et l'agenda détaillé. Cette planification rigoureuse permet ensuite une exécution fluide où l'énergie collective peut se concentrer sur la résolution du problème plutôt que sur des questions organisationnelles. Des "pre-work" sont souvent assignés aux participants pour maximiser l'efficacité des sessions présentielles.
La facilitation représente un autre élément distinctif de leur approche. AJ&Smart recommande un "facilitateur principal" chargé de guider le groupe à travers les différentes activités, assisté d'un "facilitateur de support" qui gère les aspects logistiques et capture les informations produites. Cette double fonction permet de maintenir un rythme soutenu tout en assurant que toutes les contributions sont correctement documentées. Les facilitateurs appliquent des techniques précises pour gérer le temps, stimuler la participation équilibrée et maintenir l'énergie du groupe tout au long de la journée.
Pour capitaliser sur les résultats des workshops, AJ&Smart a développé des formats de documentation standardisés qui transforment rapidement les productions collectives en documents actionnables. Ces livrables incluent typiquement une synthèse visuelle des décisions prises, un plan d'action détaillant les prochaines étapes avec des responsables assignés, et une documentation visuelle du processus (photos des tableaux, des notes adhésives, etc.). Cette formalisation rapide permet de maintenir la dynamique générée par le workshop et d'assurer que les idées se transforment effectivement en actions concrètes.
L'intégration du design thinking dans les équipes agiles
L'association du design thinking et des méthodologies agiles représente une synergie naturelle mais qui nécessite une articulation réfléchie. Ces deux approches partagent des valeurs fondamentales comme l'itération, l'adaptation continue et la centralité de l'utilisateur, mais diffèrent dans leur focus et leur temporalité. Le design thinking se concentre davantage sur la définition du problème et l'exploration de solutions innovantes, tandis que l'agilité excelle dans l'exécution et la livraison incrémentale. Leur intégration permet de couvrir l'ensemble du cycle d'innovation, de la compréhension du besoin jusqu'à la livraison de la solution.
Plusieurs modèles d'intégration ont émergé ces dernières années. Le modèle "Double Diamond Agile" propose d'utiliser le design thinking pour les phases de découverte et de définition (premier diamant), puis de basculer vers les méthodes agiles pour les phases de développement et de livraison (second diamant). Cette approche séquentielle présente l'avantage de la clarté mais peut créer une déconnexion entre les phases de conception et de réalisation.
Une approche plus intégrée consiste à incorporer des "design sprints" au sein des "development sprints" agiles. Par exemple, une équipe peut consacrer un sprint sur quatre ou cinq à des activités de design thinking pour explorer de nouvelles opportunités ou repenser certains aspects du produit, avant de revenir à des sprints de développement. Cette alternance rythmée permet de maintenir l'équilibre entre exploration créative et exécution concrète.
Un des défis majeurs de cette intégration concerne l'organisation des équipes. Plusieurs configurations sont possibles, de l'équipe entièrement cross-fonctionnelle (où designers et développeurs travaillent ensemble en permanence) à des équipes spécialisées qui collaborent à certains moments clés. Le modèle "Dual-Track Agile" propose une voie médiane où deux flux parallèles mais coordonnés coexistent : un "Discovery Track" utilisant le design thinking pour explorer et valider de nouvelles idées, et un "Delivery Track" appliquant les méthodes agiles pour développer les fonctionnalités validées.