Le cannabidiol (CBD) connaît un essor fulgurant sur le marché européen, notamment pour ses applications alimentaires qui suscitent un vif intérêt chez les consommateurs à la recherche d'alternatives naturelles au bien-être. Pourtant, son statut réglementaire en tant que "Novel Food" (nouvel aliment) soulève de nombreuses questions et engendre des défis considérables pour les acteurs de cette filière émergente. Entre évaluations scientifiques, procédures administratives complexes et divergences d'interprétation entre États membres, le CBD alimentaire se trouve à un carrefour décisif. Cette molécule aux multiples vertus potentielles représente non seulement un enjeu sanitaire et réglementaire, mais également une opportunité économique majeure pour la filière chanvre européenne, particulièrement en France où la tradition culturale est ancienne et le savoir-faire reconnu.
Statut réglementaire du CBD dans la législation alimentaire européenne
Le statut du cannabidiol (CBD) dans la législation alimentaire européenne reste complexe et en constante évolution. Depuis 2019, l'Union européenne considère officiellement le CBD comme un nouvel aliment ("Novel Food") selon le Règlement (UE) 2015/2283. Cette classification implique que tous les produits alimentaires contenant du CBD doivent faire l'objet d'une autorisation préalable de mise sur le marché, basée sur une évaluation scientifique rigoureuse de leur sécurité pour les consommateurs.
La position européenne s'appuie sur le constat qu'aucune consommation significative de CBD n'a été documentée avant mai 1997, date charnière pour la définition d'un "Novel Food". Cette approche prudente vise à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs tout en permettant l'innovation dans le secteur alimentaire. Cependant, elle constitue un obstacle significatif pour les opérateurs économiques souhaitant commercialiser des produits à base de CBD.
La Commission européenne a confirmé cette position après avoir initialement envisagé de classifier le CBD comme stupéfiant, avant de revenir sur cette orientation suite à la décision historique de la Cour de Justice de l'Union Européenne dans l'affaire Kanavape en novembre 2020. Cette jurisprudence fondamentale a établi que le CBD n'était pas un stupéfiant et pouvait circuler librement dans le marché intérieur européen, tout en restant soumis aux procédures d'autorisation en tant que nouvel aliment.
Les autorités européennes distinguent plusieurs catégories de produits à base de CBD : les extraits de CBD purifiés (isolats), les extraits à spectre large (contenant d'autres cannabinoïdes non-psychoactifs) et les extraits à spectre complet (incluant des traces de THC sous les seuils légaux). Chaque catégorie nécessite un dossier d'autorisation spécifique, complexifiant davantage le paysage réglementaire pour les opérateurs.
Analyse du cadre juridique novel food pour les cannabinoïdes
L'encadrement juridique des cannabinoïdes, et particulièrement du CBD, dans le système Novel Food représente un défi réglementaire majeur pour l'Union européenne. Ce cadre détermine les conditions précises dans lesquelles le CBD peut être légalement incorporé dans des produits alimentaires et commercialisé à travers le marché unique. La compréhension approfondie de ce système est essentielle pour tous les acteurs de la filière, des producteurs de chanvre aux fabricants de produits alimentaires.
Règlement novel food (UE) 2015/2283 et son application au CBD
Le Règlement (UE) 2015/2283 constitue la pierre angulaire de l'encadrement des nouveaux aliments en Europe. Ce texte définit comme "nouvel aliment" toute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l'Union européenne avant le 15 mai 1997. Pour le CBD, cette classification a été officialisée en janvier 2019 avec la mise à jour du catalogue Novel Food, entraînant des conséquences significatives pour l'ensemble du marché.
L'application de ce règlement au CBD implique une procédure d'autorisation centralisée et harmonisée au niveau européen. Tout opérateur souhaitant commercialiser des produits alimentaires contenant du CBD doit soumettre un dossier complet démontrant l'innocuité de l'ingrédient. Cette démarche nécessite des études toxicologiques poussées, des analyses de composition détaillées et des données de stabilité, représentant un investissement considérable en temps et en ressources.
Le système Novel Food ne vise pas à limiter l'innovation mais à garantir que les nouveaux ingrédients alimentaires, y compris le CBD, respectent le niveau élevé de protection de la santé que les consommateurs européens sont en droit d'attendre.
Le règlement impose également des exigences strictes concernant la pureté des extraits de CBD et la standardisation des procédés d'extraction, ce qui constitue un défi technique majeur pour les industriels. Les méthodes d'extraction au CO₂ supercritique sont généralement privilégiées pour leur capacité à produire des extraits de haute qualité avec des taux contrôlés de cannabinoïdes.
Évaluation scientifique de l'EFSA sur la sécurité du cannabidiol
L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) joue un rôle central dans l'évaluation scientifique du CBD en tant que nouvel aliment. En juin 2022, l'EFSA a publié une déclaration marquante suspendant temporairement l'évaluation des dossiers relatifs au CBD, citant plusieurs lacunes dans les données toxicologiques disponibles et des incertitudes sur les dangers potentiels liés à sa consommation.
L'EFSA a identifié plusieurs préoccupations majeures concernant les effets du CBD sur le foie, le tractus gastro-intestinal, le système endocrinien, le système nerveux et le bien-être psychologique. Des études sur les animaux ont révélé certains effets indésirables significatifs, notamment sur la reproduction, soulevant la question cruciale de savoir si ces effets peuvent également être observés chez l'humain.
Pour lever cette suspension, les pétitionnaires doivent fournir des données complémentaires substantielles, notamment des études cliniques évaluant l'impact du CBD sur divers paramètres physiologiques à des doses correspondant à une consommation alimentaire régulière. Ces exigences scientifiques représentent un investissement colossal pour les entreprises, estimé entre 500 000 et plusieurs millions d'euros selon l'ampleur des études requises.
L'EFSA a précisé que sa position ne constitue pas un jugement définitif sur la dangerosité du CBD en tant qu'aliment, mais reflète simplement l'insuffisance actuelle des données scientifiques disponibles pour conclure à son innocuité selon les standards rigoureux appliqués aux nouveaux aliments.
Jurisprudence de la CJUE : l'affaire kanavape et ses implications
L'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) dans l'affaire Kanavape (C-663/18) du 19 novembre 2020 constitue un tournant décisif dans le cadre juridique applicable au CBD en Europe. Cette décision historique a clarifié plusieurs points fondamentaux qui influencent directement le statut réglementaire du CBD dans l'ensemble des États membres.
Dans cette affaire, la CJUE a statué que le CBD n'est pas un stupéfiant au sens des conventions internationales, contrairement à ce que soutenaient les autorités françaises. La Cour a explicitement reconnu que "le CBD en cause ne semble pas avoir d'effet psychotrope ni d'effet nocif sur la santé humaine". Cette reconnaissance juridique au plus haut niveau européen a ouvert la voie à une reconsidération du CBD comme substance légitime pouvant être intégrée dans différents produits, sous réserve du respect des réglementations sectorielles applicables.
L'arrêt Kanavape a également établi un principe fondamental concernant la libre circulation des produits à base de CBD : un État membre ne peut pas interdire la commercialisation de CBD légalement produit dans un autre État membre, sauf s'il démontre que cette interdiction est justifiée par un objectif d'intérêt général et qu'elle est proportionnée. Cette décision a contraint plusieurs pays, dont la France, à réviser leurs législations nationales restrictives.
Les implications de cette jurisprudence sur le statut Novel Food du CBD sont significatives. Si la décision ne remet pas directement en question la classification du CBD comme nouvel aliment, elle renforce l'idée que toute restriction à sa commercialisation doit être scientifiquement fondée et proportionnée aux risques réels.
Divergences d'interprétation entre états membres sur le statut novel food
Malgré le cadre réglementaire commun établi par l'UE, on observe d'importantes divergences d'interprétation et d'application concernant le statut Novel Food du CBD entre les différents États membres. Ces disparités créent un paysage réglementaire fragmenté qui complexifie considérablement les stratégies des opérateurs économiques souhaitant se développer à l'échelle européenne.
Certains pays, comme l'Allemagne ou l'Espagne, appliquent strictement la position européenne en interdisant la commercialisation de produits alimentaires contenant du CBD sans autorisation préalable. À l'opposé, d'autres États membres comme la République tchèque ou l'Autriche ont adopté des approches plus souples, notamment concernant les extraits traditionnels de chanvre qui, selon leur interprétation, pourraient échapper à la qualification de Novel Food s'ils sont obtenus par des méthodes traditionnelles documentées avant 1997.
Le cas de la Suisse, bien que hors UE mais intégrée au marché unique européen via des accords bilatéraux, illustre une approche pragmatique : les autorités helvétiques ont mis en place un système d'autorisations simplifiées pour certains produits à base de CBD à faible dosage (inférieur à 20 mg par jour), créant ainsi un environnement favorable à l'innovation tout en maintenant un niveau élevé de protection des consommateurs.
Ces divergences d'interprétation conduisent à une situation paradoxale où un même produit à base de CBD peut être légalement commercialisé dans certains États membres tout en étant formellement interdit dans d'autres. Cette situation crée non seulement une insécurité juridique pour les opérateurs, mais aussi une distorsion de concurrence au sein du marché unique européen.
Procédures d'autorisation et dossiers en cours d'évaluation
Le processus d'autorisation pour les produits alimentaires contenant du CBD est complexe et rigoureux, reflétant l'approche prudente adoptée par les autorités européennes vis-à-vis des nouveaux aliments. Depuis 2019, plusieurs dizaines de dossiers ont été soumis à la Commission européenne et à l'EFSA, témoignant de l'intérêt considérable des industriels pour ce marché en pleine expansion. Toutefois, aucune autorisation définitive n'a encore été accordée, en grande partie en raison de la suspension des évaluations annoncée par l'EFSA en juin 2022.
Exigences techniques du dossier novel food pour le CBD
La constitution d'un dossier d'autorisation Novel Food pour le CBD requiert une expertise scientifique et réglementaire pointue. Ce document doit couvrir plusieurs aspects essentiels garantissant la sécurité du produit pour les consommateurs. La première section doit établir précisément l'identité de l'ingrédient CBD, incluant sa composition chimique détaillée, ses spécifications (pureté, stabilité) et les méthodes analytiques validées permettant sa caractérisation.
Le processus de production doit être décrit avec une grande précision, depuis la culture du chanvre jusqu'à l'extraction et la purification du CBD. Les pétitionnaires doivent démontrer que leur procédé est standardisé et reproductible, garantissant une qualité constante du produit final. Pour les extraits de chanvre, il est crucial de documenter les variétés utilisées, les parties de la plante employées et les méthodes d'extraction (solvants, conditions opératoires, etc.).
L'historique d'utilisation alimentaire constitue un autre volet important du dossier. Bien que le CBD soit classifié comme Novel Food, certains fabricants tentent de démontrer que des extraits traditionnels de chanvre contenant naturellement du CBD étaient consommés avant 1997, argument qui pourrait potentiellement exempter certaines préparations spécifiques de l'obligation d'autorisation préalable.
Les données relatives aux utilisations prévues doivent préciser les catégories d'aliments ciblées, les doses journalières recommandées et les populations visées. Ce point est particulièrement scruté par l'EFSA qui évalue la pertinence des niveaux d'exposition proposés au regard des données de sécurité disponibles.
Études toxicologiques requises par l'ANSES et l'EFSA
Le volet toxicologique constitue la partie la plus substantielle et coûteuse d'un dossier Novel Food pour le CBD. L'EFSA et les agences nationales comme l'ANSES en France requièrent un ensemble d'études scientifiques robustes pour évaluer la sécurité du cannabidiol. Ces études doivent suivre les protocoles standardisés reconnus internationalement et être réalisées selon les bonnes pratiques de laboratoire (BPL).
Les tests de génotoxicité in vitro et in vivo sont systématiquement exigés pour évaluer le potentiel mutagène et cancérigène du CBD. Des études de toxicité subaiguë et chronique sur rongeurs sont également nécessaires pour déterminer les effets à long terme et établir une dose sans effet nocif observé (NOAEL). Ces études doivent examiner une gamme complète de paramètres biologiques, incluant les fonctions hépatiques, rénales, endocriniennes et neurologiques.
L'EFSA a spécifiquement souligné son intérêt pour les données concernant les effets du CBD sur la fertilité et la reproduction, suite à des signaux préoccupants observés dans certaines études animales. Des études de toxicité développementale et reproductive sont donc particulièrement attendues dans les dossiers soumis à évaluation.
Les interactions potentielles du CBD avec d'autres médicaments doivent également être documentées, car plusieurs études ont démontré que le CBD peut affecter l'activité de certaines enzymes hépatiques impliquées dans le métabolisme des médicaments, comme le cytochrome P450 . Cette préoccupation est particulièrement pertinente dans un contexte alimentaire où la consommation régulière pourrait interférer avec des
traitements médicamenteux, posant un enjeu de santé publique non négligeable.
Consortium européen pour l'approbation du CBD alimentaire
Face à l'ampleur des investissements requis pour constituer un dossier Novel Food complet, plusieurs acteurs de l'industrie du CBD se sont regroupés au sein de consortiums européens. Cette approche collaborative permet de mutualiser les coûts considérables des études toxicologiques et de présenter des dossiers plus solides à l'EFSA. Le principal consortium européen, l'Association for the Cannabinoid Industry (ACI), rassemble plus de 20 entreprises majeures du secteur.
Ces consortiums jouent un rôle pivot dans la stratégie réglementaire du secteur, servant d'interlocuteurs privilégiés auprès des instances européennes. Ils contribuent également à l'élaboration de standards de qualité et de bonnes pratiques, renforçant ainsi la crédibilité de l'ensemble de la filière. La mutualisation des données toxicologiques représente une économie significative pour les membres, estimée entre 75% et 90% par rapport au coût d'un dossier individuel.
L'European Industrial Hemp Association (EIHA) a également formé un consortium spécifique qui a investi plus de 3,5 millions d'euros dans des études toxicologiques visant à combler les lacunes identifiées par l'EFSA. Cette initiative illustre la détermination du secteur à répondre aux exigences réglementaires, malgré les obstacles financiers et scientifiques considérables. Le consortium EIHA se distingue par son approche englobant différents types d'extraits de chanvre, des isolats de CBD aux extraits à spectre complet.
Les consortiums ne sont pas uniquement des véhicules financiers, mais de véritables catalyseurs d'innovation réglementaire qui permettent à l'industrie du CBD de parler d'une seule voix face aux autorités européennes.
Délais d'instruction et obstacles procéduraux actuels
La procédure d'autorisation Novel Food pour le CBD se caractérise par des délais particulièrement longs, générant une incertitude juridique préjudiciable au développement du marché. Le cycle complet d'évaluation, initialement prévu pour durer entre 18 et 24 mois, s'est considérablement allongé suite à la suspension des évaluations par l'EFSA. Les opérateurs économiques se retrouvent dans une situation d'attente indéfinie, sans visibilité claire sur le calendrier de reprise des évaluations.
Parmi les obstacles procéduraux majeurs, la fragmentation des responsabilités entre différentes institutions européennes et nationales complexifie le parcours d'autorisation. La Commission européenne assure la recevabilité administrative des dossiers, l'EFSA conduit l'évaluation scientifique, et les États membres participent au vote final d'autorisation. Cette chaîne décisionnelle multi-acteurs ralentit considérablement le processus et augmente le risque de blocages à différentes étapes.
Un autre frein significatif réside dans l'évolution constante des exigences scientifiques formulées par l'EFSA. Les demandeurs se trouvent confrontés à un objectif mouvant, avec de nouvelles études parfois requises en cours d'évaluation. Cette instabilité méthodologique, bien que justifiée par la progression des connaissances scientifiques, constitue un défi majeur pour les pétitionnaires qui doivent constamment adapter leurs dossiers aux nouvelles attentes des évaluateurs.
La suspension des évaluations annoncée en juin 2022 illustre parfaitement cette problématique. L'EFSA a identifié de nouvelles lacunes dans les données alors même que certains dossiers étaient en phase avancée d'évaluation, obligeant l'ensemble des demandeurs à fournir des études complémentaires non anticipées initialement. Les experts du secteur estiment que cette situation pourrait repousser les premières autorisations définitives à l'horizon 2025-2026, prolongeant ainsi la période d'incertitude réglementaire.
Marché et applications alimentaires du CBD en développement
Malgré les incertitudes réglementaires, le marché des produits alimentaires contenant du CBD connaît un développement remarquable, porté par un intérêt croissant des consommateurs et une innovation foisonnante. Les industriels, anticipant les futures autorisations, investissent massivement dans le développement de formulations innovantes et de concepts de produits prêts à être commercialisés dès l'obtention du feu vert réglementaire. Cette dynamique témoigne de l'immense potentiel commercial perçu par les acteurs du secteur agroalimentaire.
Boissons infusées au CBD : formats, dosages et stabilité
Le segment des boissons infusées au CBD représente l'un des domaines les plus dynamiques et prometteurs du marché alimentaire du cannabidiol. Les eaux aromatisées, thés glacés, sodas et boissons énergisantes enrichis en CBD se multiplient, offrant aux consommateurs des alternatives aux méthodes traditionnelles de consommation comme les huiles ou les gélules. Ces formats liquides permettent une absorption progressive et une expérience de consommation familière, s'intégrant facilement dans les habitudes quotidiennes.
Le principal défi technologique rencontré par les fabricants concerne la solubilité du CBD, molécule naturellement hydrophobe. Pour surmonter cet obstacle, plusieurs innovations ont été développées, comme les nanotechnologies qui permettent d'encapsuler le CBD dans des particules microscopiques. Ces nano-émulsions améliorent considérablement la dispersion du cannabidiol dans les matrices aqueuses, optimisant sa biodisponibilité et garantissant une répartition homogène dans le produit final.
Les questions de stabilité et de conservation représentent un autre enjeu critique pour ce segment. Des études ont démontré que le CBD peut se dégrader sous l'effet de la lumière, de la chaleur et de l'oxydation, perdant progressivement ses propriétés. Les fabricants investissent dans des solutions d'emballage protecteur, comme les bouteilles ambrées ou opaques, et dans des formulations incorporant des antioxydants naturels pour préserver l'intégrité du CBD tout au long de la durée de conservation du produit.
Concernant les dosages, les boissons infusées proposent généralement entre 5 et 30 mg de CBD par portion, un intervalle considéré comme efficace pour produire un effet relaxant perceptible sans atteindre des concentrations susceptibles de soulever des préoccupations toxicologiques. Cette approche mesurée s'inscrit dans une stratégie de positionnement comme produit de bien-être quotidien plutôt que comme supplément thérapeutique à forte dose.
Compléments alimentaires à base de cannabidiol
Les compléments alimentaires constituent actuellement le segment le plus développé du marché du CBD alimentaire, avec une multitude de formulations allant des capsules aux gummies, en passant par les poudres et les teintures. Cette catégorie se caractérise par sa grande flexibilité en termes de dosage et de ciblage d'effets spécifiques, permettant aux fabricants de proposer des produits adaptés à différents besoins : sommeil, récupération sportive, gestion du stress, ou soutien immunitaire.
L'innovation dans ce segment s'oriente vers des formulations associant le CBD à d'autres ingrédients actifs naturels pour créer des effets synergiques. On observe par exemple l'émergence de compléments combinant CBD et mélatonine pour faciliter l'endormissement, CBD et curcumine pour potentialiser les effets anti-inflammatoires, ou encore CBD et adaptogènes comme l'ashwagandha pour une action anti-stress renforcée. Ces associations stratégiques permettent de différencier les produits sur un marché de plus en plus concurrentiel.
La standardisation des extraits et la précision du dosage représentent des enjeux cruciaux pour la crédibilité de ces compléments. Les fabricants les plus sérieux investissent dans des technologies avancées d'extraction et d'analyse pour garantir une teneur constante en cannabinoïdes et terpènes, éléments déterminants pour l'efficacité du produit. Cette approche qualitative s'accompagne généralement de QR codes donnant accès aux certificats d'analyses de laboratoires indépendants, répondant ainsi à la demande croissante de transparence des consommateurs.
D'un point de vue réglementaire, les compléments alimentaires à base de CBD se trouvent dans une situation particulièrement complexe. Même après une éventuelle autorisation Novel Food, ils resteront soumis aux restrictions concernant les allégations de santé, qui sont strictement encadrées par le règlement (CE) n°1924/2006. Les fabricants devront naviguer avec prudence entre la mise en avant des bénéfices de leurs produits et le respect d'un cadre juridique qui interdit toute référence à des effets thérapeutiques sans autorisation spécifique de l'EFSA.
Innovations culinaires : chocolats, confiseries et produits de boulangerie
Le secteur des produits alimentaires gourmands incorporant du CBD connaît une expansion remarquable, avec une créativité qui se déploie particulièrement dans les domaines de la chocolaterie, de la confiserie et de la boulangerie-pâtisserie. Ces matrices alimentaires présentent l'avantage de masquer naturellement l'amertume caractéristique du CBD grâce à leurs profils gustatifs riches et complexes, tout en offrant un support idéal pour la molécule hydrophobe grâce à leur teneur en matières grasses.
Le chocolat se distingue comme un vecteur particulièrement adapté au CBD, les lipides du beurre de cacao favorisant la dissolution et l'absorption de la molécule. Les chocolatiers artisanaux et industriels explorent diverses formulations, des tablettes aux pralines, en jouant sur les interactions aromatiques entre les terpènes naturellement présents dans certains extraits de CBD et les notes complexes du cacao. Cette recherche de profils organoleptiques sophistiqués élève ces produits au-delà du simple gadget, les inscrivant dans une démarche gastronomique authentique.
Dans le domaine de la confiserie, les gommes et pastilles se positionnent comme des formats privilégiés, offrant une consommation discrète et un dosage précis. Les technologies d'encapsulation permettent de protéger le CBD de l'oxydation tout en contrôlant sa libération, optimisant ainsi son efficacité. Les fabricants travaillent sur des formulations à libération prolongée qui permettraient de maintenir un niveau stable de CBD dans l'organisme pendant plusieurs heures, répondant ainsi à la demande pour des effets durables sans pics d'absorption.
Les produits de boulangerie enrichis en CBD, comme les cookies, brownies et muffins, représentent un segment en forte croissance, particulièrement auprès des consommateurs recherchant des alternatives aux formats traditionnels. Ces produits posent néanmoins des défis spécifiques liés à la stabilité thermique du CBD lors de la cuisson, et à l'homogénéité de sa répartition dans la matrice alimentaire. Des recherches sont menées pour développer des formes thermostables de CBD pouvant résister aux températures de cuisson sans dégradation significative, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour ce segment prometteur.
Tendances de consommation et segments de marché émergents
L'analyse des tendances de consommation révèle une évolution significative des motivations et des comportements des consommateurs de CBD alimentaire. Initialement adopté principalement par un public jeune et urbain en quête d'alternatives naturelles aux médicaments conventionnels, le CBD attire désormais une clientèle plus diverse et transgénérationnelle. Les seniors représentent notamment un segment en forte croissance, attirés par les potentiels bénéfices du CBD sur la qualité du sommeil et la gestion des douleurs chroniques.
Un phénomène marquant est la montée en puissance du segment premium, avec des consommateurs prêts à investir dans des produits de haute qualité offrant des garanties supérieures en termes de pureté, de traçabilité et d'efficacité. Cette tendance se traduit par l'émergence de marques positionnées sur le créneau du CBD alimentaire haut de gamme, mettant en avant des méthodes d'extraction respectueuses de l'environnement, des ingrédients biologiques et des packagings éco-responsables. Le prix n'apparaît plus comme le critère déterminant pour une part croissante de consommateurs privilégiant la qualité et la sécurité.
Le segment des produits fonctionnels spécifiquement formulés pour répondre à des besoins ciblés connaît également un essor remarquable. On observe ainsi le développement de gammes dédiées au bien-être féminin, à la récupération sportive, à l'équilibre émotionnel ou au soutien cognitif. Cette spécialisation s'accompagne d'une sophistication croissante des formulations, intégrant le CBD dans des complexes d'actifs naturels soigneusement sélectionnés pour leurs effets complémentaires. Cette approche holistique résonne particulièrement auprès des consommateurs adeptes de médecines alternatives et de solutions de santé intégratives.
Une autre tendance émergente concerne l'intégration du CBD dans l'alimentation fonctionnelle quotidienne. Au-delà des formats traditionnels comme les gélules ou les huiles, on voit apparaître des beurres, des condiments, des mélanges pour smoothies ou encore des infusions pour le petit-déjeuner enrichis en CBD. Cette banalisation progressive du CBD, transformé en ingrédient du quotidien plutôt qu'en supplément exceptionnel, pourrait significativement élargir le marché potentiel, à condition que les obstacles réglementaires soient levés.