Le diacétyle et l'acétoïne représentent des composés aromatiques largement utilisés dans l'industrie alimentaire et, plus récemment, dans les cigarettes électroniques. Ces substances chimiques confèrent des notes beurrées et crémeuses aux produits, mais suscitent des préoccupations croissantes en matière de santé publique. Depuis la découverte de cas de bronchiolite oblitérante chez des travailleurs de l'industrie du popcorn aux États-Unis au début des années 2000, la communauté scientifique surveille attentivement ces molécules. La pathologie respiratoire associée, surnommée "poumon de popcorn", a mis en lumière les dangers potentiels de l'inhalation régulière de ces composés, particulièrement en milieu professionnel. Les autorités sanitaires européennes ont progressivement établi des cadres réglementaires pour limiter l'exposition à ces substances, tandis que les industriels recherchent des alternatives plus sécuritaires.
Composition chimique du diacétyle et de l'acétoïne : structure moléculaire et propriétés
Le diacétyle, également connu sous le nom de 2,3-butanedione, est une dicétone vicinal de formule chimique C 4 H 6 O 2 . Sa structure moléculaire se caractérise par deux groupes carbonyles adjacents, ce qui lui confère une réactivité chimique particulière. À température ambiante, il se présente sous forme d'un liquide jaune-verdâtre doté d'une odeur intensément beurrée, perceptible même à de très faibles concentrations (seuil olfactif d'environ 0,01 ppm).
L'acétoïne (3-hydroxy-2-butanone), de formule C 4 H 8 O 2 , est structurellement proche du diacétyle. Il s'agit d'une α-hydroxycétone qui résulte notamment de la réduction du diacétyle. Dans les conditions normales, l'acétoïne se présente sous forme de cristaux incolores ou d'un liquide jaunâtre avec une odeur de beurre moins prononcée que celle du diacétyle.
Ces deux composés partagent des propriétés physico-chimiques similaires qui expliquent leur utilisation dans des applications comparables. Leur volatilité est notable, avec des pressions de vapeur respectivement de 7572 Pa pour le diacétyle et de 359 Pa pour l'acétoïne à température ambiante. Cette caractéristique est particulièrement préoccupante car elle favorise le passage de ces molécules en phase gazeuse, augmentant ainsi le risque d'inhalation en milieu professionnel.
La solubilité de ces composés dans l'eau est également significative, avec des valeurs d'environ 200 g/L pour le diacétyle et jusqu'à 1000 g/L pour l'acétoïne. Cette propriété facilite leur incorporation dans diverses matrices alimentaires, mais complique également leur élimination des environnements de travail par simple ventilation.
Les propriétés organoleptiques exceptionnelles du diacétyle et de l'acétoïne, perceptibles à des concentrations inférieures à 1 ppm, expliquent leur attrait pour l'industrie alimentaire malgré les préoccupations sanitaires qu'ils suscitent.
Du point de vue métabolique, ces composés peuvent être considérés comme des intermédiaires communs dans le métabolisme des microorganismes, notamment dans les processus de fermentation. Le diacétyle est un produit secondaire de la fermentation alcoolique par les levures, tandis que l'acétoïne peut être produite par réduction enzymatique du diacétyle ou directement lors de fermentations bactériennes spécifiques.
Sources d'exposition au diacétyle et à l'acétoïne dans l'industrie alimentaire
L'exposition au diacétyle et à l'acétoïne provient principalement de sources industrielles et alimentaires. Ces substances sont naturellement présentes dans certains aliments fermentés comme le beurre, le fromage, le vin et la bière, où elles contribuent significativement aux profils aromatiques caractéristiques. Toutefois, c'est leur utilisation comme additifs alimentaires qui constitue la principale source d'exposition professionnelle et, dans une moindre mesure, pour les consommateurs.
Dans l'industrie alimentaire, le diacétyle et l'acétoïne sont généralement manipulés sous forme concentrée avant d'être incorporés aux produits finaux. Les travailleurs peuvent ainsi être exposés à des concentrations bien supérieures à celles rencontrées dans les produits de consommation. Les procédés impliquant un chauffage ou une pulvérisation de ces substances augmentent considérablement le risque d'inhalation de vapeurs ou d'aérosols.
Présence dans les arômes artificiels de beurre et l'industrie des e-liquides
Le diacétyle a longtemps été utilisé comme composant principal des arômes artificiels de beurre, en particulier dans l'industrie du popcorn micro-ondable. Sa capacité à reproduire fidèlement l'arôme du beurre frais à des coûts nettement inférieurs à ceux des extraits naturels a contribué à sa popularité. Dans certaines formulations, les concentrations peuvent atteindre plusieurs milliers de parties par million (ppm), créant des environnements de travail potentiellement dangereux.
Plus récemment, l'industrie des cigarettes électroniques a également incorporé ces substances dans ses e-liquides pour créer des arômes gourmands de type crème, caramel ou pâtisserie. Cette utilisation soulève des inquiétudes particulières car elle implique une inhalation directe et intentionnelle de ces composés, bien qu'à des concentrations généralement inférieures à celles observées en milieu industriel. Des études ont montré que de nombreux e-liquides commercialisés contenaient du diacétyle ou de l'acétoïne, parfois à l'insu des fabricants eux-mêmes, en raison de leur présence dans les mélanges aromatiques complexes utilisés.
Les concentrations typiques de diacétyle dans les e-liquides varient considérablement, allant de niveaux indétectables à plusieurs centaines de microgrammes par millilitre. Cette variabilité s'explique par les différentes formulations d'arômes utilisées et l'absence, jusqu'à récemment, de réglementations spécifiques concernant ces substances dans les produits de vapotage.
Utilisation comme additifs dans les produits de boulangerie et confiserie
Dans le secteur de la boulangerie industrielle et de la confiserie, le diacétyle et l'acétoïne sont couramment utilisés pour renforcer les notes beurrées et lactées. Ces additifs permettent non seulement d'améliorer le profil organoleptique des produits, mais aussi de standardiser leur goût indépendamment des variations saisonnières des matières premières.
Les margarines aromatisées, les pâtes à tartiner et les préparations pour pâtisserie constituent d'importantes sources d'exposition pour les travailleurs de ces industries. La manipulation de ces produits à haute température, notamment lors de la cuisson, peut entraîner une libération accrue de diacétyle et d'acétoïne dans l'atmosphère des ateliers de production.
En confiserie, ces substances sont également utilisées dans la fabrication de caramels, de toffees et de certains chocolats aromatisés. Les processus impliquant une agitation mécanique ou un brassage de produits contenant ces arômes peuvent générer des aérosols particuli��rement riches en diacétyle et en acétoïne, augmentant ainsi le risque d'exposition par inhalation.
Seuils réglementaires établis par l'ANSES et l'EFSA
Face aux préoccupations croissantes concernant la toxicité du diacétyle et de l'acétoïne, plusieurs organismes réglementaires ont établi des seuils d'exposition. En France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a proposé des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) pour le diacétyle.
La VLEP sur 8 heures recommandée par l'ANSES est de 0,02 ppm (0,07 mg/m³) pour le diacétyle, une valeur significativement plus stricte que celle adoptée précédemment par certains pays. Cette limite vise à protéger les travailleurs contre les effets chroniques, notamment les risques de développer une bronchiolite oblitérante après une exposition prolongée.
Au niveau européen, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a également évalué la sécurité de ces composés en tant qu'additifs alimentaires. Pour l'acétoïne, l'EFSA a conclu qu'aux niveaux actuellement utilisés comme aromatisant alimentaire, cette substance ne présentait pas de préoccupation majeure pour la sécurité des consommateurs. En revanche, pour le diacétyle, l'EFSA a souligné la nécessité de limiter son utilisation et de poursuivre les recherches sur ses effets potentiels.
Ces différences d'approche réglementaire reflètent les incertitudes scientifiques persistantes quant aux mécanismes exacts de toxicité de ces substances et aux niveaux d'exposition réellement sécuritaires, particulièrement dans des contextes d'exposition mixte comme ceux rencontrés en milieu professionnel.
Méthodes analytiques pour la détection selon les normes ISO/CEN
La détection et la quantification précises du diacétyle et de l'acétoïne dans l'air et les matrices alimentaires représentent un défi analytique important. Plusieurs méthodes standardisées ont été développées conformément aux normes de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et du Comité européen de normalisation (CEN).
Pour l'analyse de l'air ambiant en milieu professionnel, la méthode de référence implique généralement un échantillonnage actif sur un support adsorbant imprégné de O-(2,3,4,5,6-pentafluorobenzyl)hydroxylamine (PFBHA), suivie d'une extraction et d'une analyse par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS). Cette approche permet d'atteindre des limites de détection inférieures à 1 ppb, nécessaires pour vérifier la conformité aux VLEP actuelles.
Dans les matrices alimentaires et les e-liquides, les méthodes analytiques couramment employées combinent des techniques de préparation d'échantillon comme l'extraction en phase solide (SPE) ou la microextraction en phase solide (SPME) avec une analyse par GC-MS ou chromatographie liquide à haute performance (HPLC). Ces méthodes standardisées selon les normes ISO permettent une quantification fiable du diacétyle et de l'acétoïne à des concentrations de l'ordre du mg/kg.
La complexité des matrices analysées et la réactivité intrinsèque de ces composés, particulièrement du diacétyle, nécessitent des protocoles rigoureux pour éviter les erreurs d'interprétation. Des exercices d'intercomparaison entre laboratoires sont régulièrement organisés pour garantir la fiabilité et la reproductibilité des résultats analytiques, conformément aux exigences des normes CEN.
Effets pathologiques documentés : bronchiolite oblitérante et atteintes pulmonaires
La pathologie la plus documentée en lien avec l'exposition au diacétyle est la bronchiolite oblitérante, une maladie pulmonaire rare et grave caractérisée par une obstruction progressive et irréversible des petites voies respiratoires. Cette condition résulte d'une inflammation et d'une cicatrisation anormale des bronchioles, conduisant à une diminution progressive de la fonction respiratoire.
Les premiers symptômes de cette maladie comprennent généralement une toux sèche persistante, un essoufflement à l'effort, une respiration sifflante et une fatigue chronique. Ces manifestations cliniques peuvent être facilement confondues avec celles d'autres maladies respiratoires comme l'asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), ce qui complique souvent le diagnostic précoce.
L'évolution de la bronchiolite oblitérante liée au diacétyle est généralement progressive, même après l'arrêt de l'exposition. Cette caractéristique est particulièrement préoccupante , car elle implique que les dommages peuvent continuer à s'aggraver malgré l'éloignement de la source d'exposition. Dans les cas avancés, les patients peuvent nécessiter une supplémentation en oxygène et, dans les situations les plus graves, une transplantation pulmonaire.
Cas cliniques des employés de popcorn Gilster-Mary lee (maladie du popcorn)
Le lien entre l'exposition au diacétyle et la bronchiolite oblitérante a été établi pour la première fois chez des travailleurs de l'usine de fabrication de popcorn Gilster-Mary Lee à Jasper, Missouri, aux États-Unis. Entre 1992 et 2000, huit employés de cette usine ont développé une bronchiolite oblitérante sévère, une incidence exceptionnellement élevée pour cette maladie rare.
Ces cas ont déclenché une enquête approfondie par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), qui a identifié le diacétyle comme principal agent causal. Les concentrations atmosphériques de diacétyle dans certaines zones de l'usine atteignaient jusqu'à 98 ppm, des niveaux aujourd'hui reconnus comme extrêmement dangereux.
Le profil clinique typique des patients atteints de la "maladie du popcorn" inclut une apparition progressive de symptômes respiratoires sur plusieurs mois à plusieurs années d'exposition, une obstruction fixe des voies aériennes non réversible par bronchodilatateurs, et des résultats d'imagerie caractéristiques montrant un piégeage d'air et un épaississement des parois bronchiolaires. L'exploration fonctionnelle respiratoire révèle généralement un syndrome obstructif sévère avec une diminution du VEMS (volume expiratoire maximal par seconde).
Le cas emblématique d'un consommateur régulier de popcorn micro-ondable, qui préparait et consommait quotidiennement plusieurs sachets pendant plus de dix ans, a également été documenté. Ce patient a développé une bronchiolite
oblitérante similaire aux cas industriels, suggérant que même l'exposition domestique peut, dans certaines circonstances, présenter un risque significatif. Bien que controversé, ce cas a contribué à sensibiliser le public aux dangers potentiels du diacétyle.
Études toxicologiques in vitro sur cellules épithéliales bronchiques
Pour comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents à la toxicité du diacétyle et de l'acétoïne, de nombreuses études in vitro ont été menées sur des cultures de cellules épithéliales bronchiques humaines. Ces modèles cellulaires permettent d'évaluer précisément les effets de ces composés à différentes concentrations et durées d'exposition, tout en contrôlant rigoureusement les conditions expérimentales.
Des recherches menées par l'équipe du Dr Richard Hubbs au NIOSH ont démontré que l'exposition de cellules épithéliales bronchiques humaines à des concentrations de diacétyle comprises entre 25 et 200 μM pendant 1 à 24 heures provoque une diminution dose-dépendante de la viabilité cellulaire. Cette cytotoxicité s'accompagne d'altérations morphologiques caractéristiques, notamment une rétraction cellulaire, une condensation de la chromatine et une fragmentation nucléaire évocatrices d'un processus apoptotique.
Plus récemment, des études utilisant des systèmes de culture cellulaire en interface air-liquide, qui reproduisent plus fidèlement les conditions physiologiques de l'épithélium respiratoire, ont confirmé ces observations. Ces modèles ont permis de démontrer que même des expositions brèves à de faibles concentrations de diacétyle peuvent induire des modifications de l'intégrité de la barrière épithéliale, mesurées par une diminution de la résistance électrique transépithéliale.
Les études in vitro démontrent clairement que le diacétyle compromet l'intégrité des jonctions serrées entre les cellules épithéliales bronchiques, un effet qui pourrait faciliter la pénétration de la molécule dans les couches sous-épithéliales et amplifier les dommages tissulaires.
Mécanismes d'action cytotoxique et stress oxydatif cellulaire
Les recherches actuelles indiquent que la toxicité du diacétyle et, dans une moindre mesure, de l'acétoïne repose sur plusieurs mécanismes moléculaires complémentaires. Le principal mécanisme implique la haute réactivité du groupe α-dicarbonyle du diacétyle, qui peut former des adduits covalents avec les résidus lysine et arginine des protéines. Cette modification post-traductionnelle altère la structure tridimensionnelle des protéines, compromettant ainsi leur fonctionnalité.
Le stress oxydatif constitue un autre mécanisme majeur de cytotoxicité. Le diacétyle peut générer des espèces réactives de l'oxygène (ERO) par auto-oxydation ou en perturbant la chaîne respiratoire mitochondriale. L'accumulation intracellulaire d'ERO entraîne une peroxydation lipidique, des dommages à l'ADN et l'oxydation des protéines, contribuant à la dysfonction cellulaire et, éventuellement, à la mort cellulaire programmée.
Des études récentes ont également mis en évidence la capacité du diacétyle à inhiber certaines enzymes clés du métabolisme cellulaire, notamment la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GAPDH), perturbant ainsi la production d'énergie cellulaire. Cette inhibition enzymatique semble particulièrement prononcée dans les cellules épithéliales bronchiques, expliquant partiellement la tropisme respiratoire des pathologies induites par le diacétyle.
L'activation de voies pro-inflammatoires représente un autre mécanisme important. L'exposition au diacétyle induit une surexpression de cytokines pro-inflammatoires comme l'IL-8, l'IL-6 et le TNF-α dans les cellules épithéliales, déclenchant une cascade inflammatoire qui contribue aux dommages tissulaires chroniques observés dans la bronchiolite oblitérante.
Lésions histologiques caractéristiques et biomarqueurs d'exposition
L'examen histopathologique des tissus pulmonaires de patients atteints de bronchiolite oblitérante liée au diacétyle révèle des lésions caractéristiques. Les bronchioles présentent typiquement une inflammation sous-épithéliale, une fibrose concentrique progressive qui rétrécit la lumière des voies aériennes, et une métaplasie épithéliale. Dans les cas avancés, certaines bronchioles peuvent être complètement oblitérées par le tissu fibrotique, expliquant l'irréversibilité de l'obstruction respiratoire.
Les études sur modèles animaux, principalement chez le rat et la souris, ont permis de reproduire ces lésions après exposition au diacétyle par inhalation. Ces modèles ont confirmé la progression séquentielle des lésions, débutant par une nécrose de l'épithélium bronchiolaire, suivie d'une inflammation aiguë, puis d'une phase de réparation aberrante caractérisée par une fibroprolifération excessive.
Pour faciliter la surveillance biologique des travailleurs exposés, plusieurs biomarqueurs ont été proposés. Le dosage urinaire des métabolites du diacétyle, notamment le 2,3-butanediol, permet d'évaluer l'exposition récente. Toutefois, la demi-vie relativement courte de ces métabolites limite leur utilité pour l'évaluation des expositions chroniques.
Des biomarqueurs d'effet précoce ont également été identifiés, incluant l'augmentation sérique de protéines spécifiques comme la protéine CC16 (sécrétée par les cellules Club) et la KL-6 (Krebs von den Lungen-6), indicatrices de lésions de l'épithélium bronchiolaire et de processus fibrotiques pulmonaires. Ces marqueurs pourraient permettre une détection précoce des effets délétères avant l'apparition de symptômes cliniques ou d'anomalies aux explorations fonctionnelles respiratoires.
Populations à risque et contextes d'exposition professionnelle
Les populations présentant le risque le plus élevé d'exposition au diacétyle et à l'acétoïne sont principalement les travailleurs de certains secteurs industriels spécifiques. L'industrie agroalimentaire, en particulier les fabricants d'arômes, de popcorn micro-ondable, de pâtisseries industrielles et de produits laitiers transformés, constitue le principal secteur à risque. Dans ces environnements, les concentrations atmosphériques de diacétyle peuvent atteindre plusieurs dizaines de ppm lors des opérations de mélange et de chauffage.
Les ouvriers affectés à la production et au conditionnement de ces produits sont particulièrement vulnérables, spécialement ceux travaillant dans des espaces mal ventilés ou confinés. Les facteurs aggravants incluent l'absence d'équipements de protection individuelle adaptés, des procédures de travail ne tenant pas compte du risque chimique, et l'ignorance des dangers spécifiques liés à ces substances.
Plus récemment, l'industrie du vapotage a été identifiée comme un nouveau contexte d'exposition potentielle. Les producteurs d'e-liquides, mais aussi les employés des boutiques spécialisées qui testent fréquemment les produits, peuvent être exposés à des concentrations significatives de diacétyle et d'acétoïne. Bien que généralement inférieures à celles observées dans l'industrie alimentaire, ces expositions répétées suscitent des préoccupations croissantes.
Les facteurs individuels modulant la susceptibilité aux effets toxiques du diacétyle restent partiellement élucidés. Certaines études suggèrent que les fumeurs pourraient présenter un risque accru, possiblement en raison d'une altération préexistante de leur épithélium respiratoire. De même, les personnes souffrant d'affections respiratoires chroniques comme l'asthme ou la BPCO pourraient être plus sensibles aux effets irritants de ces composés.
Alternatives sécuritaires et substituts chimiques validés par l'industrie
Face aux préoccupations sanitaires croissantes concernant le diacétyle et l'acétoïne, l'industrie alimentaire et celle des e-liquides ont développé diverses stratégies de substitution. Ces alternatives visent à reproduire les propriétés organoleptiques appréciées tout en réduisant les risques pour la santé des travailleurs et des consommateurs.
Parmi les substituts chimiques les plus couramment utilisés figurent les composés apparentés comme le 2,3-pentanedione et le 2,3-hexanedione. Initialement considérés comme plus sûrs, ces analogues structuraux du diacétyle présentent malheureusement des profils toxicologiques similaires. Des études récentes ont démontré que le 2,3-pentanedione peut également induire des lésions bronchiolaires chez les animaux de laboratoire, suggérant que la simple modification de la longueur de la chaîne carbonée ne suffit pas à éliminer la toxicité respiratoire.
Les approches plus prometteuses impliquent l'utilisation d'esters lactiques, comme le lactate d'éthyle ou le lactate de butyle, qui confèrent des notes beurrées et crémeuses sans les risques associés aux dicétones. Ces composés présentent généralement une volatilité moindre et une réactivité chimique réduite, limitant ainsi leur potentiel toxique par inhalation.
Des extraits naturels de beurre et de produits laitiers fermentés constituent également des alternatives intéressantes. Bien qu'ils puissent contenir naturellement de faibles quantités de diacétyle, ces extraits présentent des concentrations significativement réduites par rapport aux arômes de synthèse traditionnels. De plus, la matrice complexe de ces extraits pourrait moduler la biodisponibilité du diacétyle résiduel.
Pour l'industrie des e-liquides, des avancées significatives ont été réalisées dans le développement d'arômes sans diacétyle ni acétoïne. Des composés comme le γ-décalactone (arôme de pêche/crème) ou l'acétate d'isoamyle (arôme de banane) peuvent, en combinaison appropriée, reproduire certaines notes crémeuses sans recourir aux dicétones problématiques.
Cadre juridique et recommandations sanitaires actuelles en france et en europe
L'encadrement réglementaire du diacétyle et de l'acétoïne a considérablement évolué ces dernières années en France et en Europe, reflétant une prise de conscience accrue des risques associés à ces substances. Le cadre actuel distingue l'utilisation de ces composés comme additifs alimentaires et leur présence comme contaminants de l'environnement professionnel.
En France, le Code du travail intègre désormais les recommandations de l'ANSES concernant les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) pour le diacétyle. La VLEP-8h réglementaire est fixée à 0,02 ppm (0,07 mg/m³), tandis qu'une VLEP court terme de 0,1 ppm (0,36 mg/m³) s'applique pour les expositions de 15 minutes. Ces valeurs relativement basses reflètent la gravité potentielle des effets sanitaires et imposent aux employeurs la mise en place de mesures de prévention rigoureuses.
Au niveau européen, le règlement REACH (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals) a conduit à une évaluation approfondie du diacétyle. Bien que cette substance ne soit pas encore soumise à autorisation, son dossier d'enregistrement comporte des mises en garde spécifiques concernant sa toxicité respiratoire. Des discussions sont en cours pour potentiellement renforcer les restrictions d'utilisation industrielle.
Concernant les produits de consommation, le règlement (CE) n° 1334/2008 relatif aux arômes alimentaires autorise l'utilisation du diacétyle et de l'acétoïne, mais avec une surveillance accrue. Pour les cigarettes électroniques, la directive 2014/40/UE sur les produits du tabac et assimilés ne fixe pas encore de limites spécifiques pour ces substances, mais plusieurs États membres, dont la France, envisagent d'introduire des restrictions nationales.
Les recommandations sanitaires actuelles pour les employeurs incluent la substitution des produits contenant du diacétyle lorsque c'est techniquement possible, la mise en place de systèmes d'extraction localisée efficaces, et la fourniture d'équipements de protection respiratoire adaptés lorsque l'exposition ne peut être évitée. Une surveillance médicale renforcée est également préconisée pour les travailleurs exposés, avec des examens spirométriques réguliers.
Pour les travailleurs, les recommandations insistent sur le respect strict des procédures de sécurité, l'utilisation systématique des équipements de protection mis à disposition, et la vigilance face à l'apparition de symptômes respiratoires qui doivent être signalés sans délai au médecin du travail. Des programmes de formation spécifiques sur les risques liés au diacétyle sont également encouragés.
Au-delà du cadre strictement réglementaire, plusieurs initiatives sectorielles ont émergé. L'industrie alimentaire européenne, notamment via la Fédération européenne des arômes (EFFA), a développé des guides de bonnes pratiques pour la manipulation sécuritaire des arômes contenant du diacétyle. Ces guides recommandent des mesures techniques et organisationnelles précises pour minimiser l'exposition des travailleurs.
Dans le contexte de la cigarette électronique, l'Association indépendante des fabricants de e-liquides (AIFEV) en France et d'autres organisations professionnelles européennes ont établi des chartes de qualité excluant volontairement l'utilisation intentionnelle de diacétyle dans leurs produits. Ces initiatives d'autorégulation témoignent d'une prise de conscience croissante des enjeux sanitaires, mais leur efficacité reste tributaire de contrôles indépendants réguliers.